Hors des murs
L'Eau, une richesse locale
La ville du Cateau-Cambrésis est traversée par la rivière qui a permis son développement économique depuis plusieurs siècles. Il s'agir de la Selle, modeste cours d'eau long d'environ 52 kilomètres. Cette rivière naît d'une source proche de Molain, village de l'Aisne, situé à une dizaine de kilomètres au sud du Cateau.
Alimenté par la nappe de la craie et les eaux de la forêt d'Andigny, la Selle se dirige vers le nord jusqu'à Montay, avant de décrire une large boucle en direction du nord-ouest. Elle se jette dans l'Escaut à Denain, à proximité des anciennes usines sidérurgiques.
Tout au long de son cours, elle a creusé une profonde vallée au fond de laquelle se cachent des villages autrefois actifs grâce aux nombreux moulins installés sur des chutes d'eau contrôlées par des barrages. Le Cateau comptait ainsi, jadis, quatre moulins dans la ville : les moulins Fourneau, Dufrenois, Saint-Martin et des Prés...
La Selle
Un cours d'eau industriel
C'est au 19ème siècle que l'importance économique de la Selle s'est affirmée dans la ville : de nombreuses manufactures se développent en utilisant la force motrice de ce cours d'eau.
Le débit de la Selle est constant à toute période de l'année et ses eaux abondantes permettent le lavage de la laine et des cuirs exploités dans les tanneries. Elles alimentent aussi les teintureries et autres industries gourmandes en eau.
La rivière sert également de poubelle gratuite pour les déchets industriels et les graisses animales évacuées par les abattoirs installés dans le lit majeur de la rivière...
Jusqu’en 1835, la ville du Cateau était entourée de remparts. La Selle et son affluent, le ruisseau de Tupigny, fournissaient l'eau pour noyer les fossés qui ceinturaient les murailles.
L'eau dans la ville, c'est aussi celle que la population trouvait dans les pluies -eau de boisson et de poison, car elle était la cause de nombreuses épidémies de choléra - et les sources qui affleurent à proximité de la rivière, dans le centre de la ville. La Fontaine Rolland, rue de la République, le lavoir de la rue Chancy et le puits profond de la Brasserie historique sont encore visibles..
Captée dans les galeries souterraines, l'eau de la nappe phréatique permit vers 1880, l'approvisionnement en eau des Catésiens
Transformés en lavoir vers 1850, ces sources alimentaient les brasseries . L'eau est en effet la matière première de la bière
Après le décès d'Auguste Seydoux, manufacturier textile et maire du Cateau, sa veuve finança les travaux d'adduction d'eau potable. Les habitants du Cateau, en majorité des travailleurs des usines lainières ou métallurgiques, puisaient enfin une eau non souillée.
La rivière fut aussi dès 1900, utilisée pour remplir le bassin des bains froids, la première piscine municipale. L'eau de la Selle avec quelques têtards, permettait aux Catésiens de nager et de se laver, la piscine était alors proche des fonderies...
C'est enfin la rivière qui fournissait les poissons pêchés par les ouvriers dont les faibles salaires ne pouvaient financer l'achat de viande en quantité suffisante.
Vers 1830, on envisagea de canaliser la Selle pour la transformer en voie d'eau navigable! Ce projet aurait permis aux péniches de rejoindre la Sambre, à Ors, depuis l'Escaut, à Denain. Aucune suite ne fut donné à ce projet.
Époque contemporaine
Un projet d'aménagement des berges de la Selle est en cours au Cateau, Rue de la Digue, mis en œuvre par le Syndicat de la Selle. Il vise à améliorer l'état de la rivière, à favoriser la présence des truites Fario, et à aménager l'esthétique pour permettre d'agréables promenades vertes au cœur de la ville dans des lieux chargés d'histoire.
Le Ruisseau de Tupigny et l'arboretum rue de Fesmy
Aménagé en 1991, cet arboretum de 6 hectares est installé sur le site de l'ancienne décharge municipale. Sur cet espace reconquis par la nature, plus de 1400 arbres ont été plantés. 130 espèces d'arbres sont ici visibles, dont un araucaria, le "désespoir du singe", arbre d'origine sud-américaine. Le service des espaces verts de la ville entretient cet arboretum, ouvert par l'association "Chico Mendes", qui sensibilise les enfants à la vie de la nature.
En suivant les sentiers temporaires sur deux kilomètres, vous découvrirez l'espace paysagé, avec chêne, hêtres, érables, bouleaux, frênes et arbres d'ornement.
Un escalier acrobatique vous permettra de longer le ruisseau de Tupigny au creux d'un profond fossé, tandis qu'un belvédère proche de la voie ferrée vous révèlera le relief accidenté du site boisé.
La gestion de cet espace naturel privilégie l'évolution spontanée des arbers et plantes. Des massifs d'orties absorbent les nitrates déversés dans les champs voisins. On peut y découvrir deux espèces d'orchidées et de nombreuses plantes sauvages, comme la consoude, autrefois utilisée pour ses propriétés médicinales.
NDLR : Le site est actuellement laissé aux bons soins de la Providence.
Un vieux pays de France, l'Arrouaise
Sur la limite du Catésis, une très ancienne frontière sépare de nos jours les départements du Nord et de l'Aisne. Jusqu'en 1768, elle portait les limites du Cambrésis, principauté indépendante liée au Saint Empire Germanique et de la Picardie, province septentrionale de la France.
Sur cette frontière, la petite région appelée Thiérache était jadis une immense forêt que J.P. Renard, universitaire picard, décrivait ainsi "une vaste forêt, en position de marche, prolongeant vers l'ouest les massifs de l'Ardenne toute proche, en direction de l'Arrouaise, au sud de la forêt charbonnière, dont Mormal est un vestige." Le pays d'Arrouaise, forêt frontière, a toujours été écartelée entre différents territoires. Dès l'époque gauloise, les nerviens du Hainaut y rencontraient les "Viromandui", de la région de Saint-Quentin, ville proche de Montigny en Arrouaise .
Ce pays d'Arrouaise est de nos jours presque totalement ignorée. Que peut-on en savoir ?
Il existe, au nord de Péronne, un village nommé Mesnil en Arrouaise. Par ailleurs, au début du XVIIIe siècle, Bohain en Vermandois était entouré d'une forêt d'Arrouaise, aujourd'hui essartée. Il en subsiste la pittoresque forêt d'Andigny : "La petite Arrouaise".
Près du Cateau, au sud de Rejet de Beaulieu, on peut encore voir le bois d'Arrouaise. Au XIXe siècle, sur ce plateau entre Wassigny et Oisy, dans l'Aisne, une immense "ferme-modèle", installée vers 1860, fut à l'origine de la disparition de cette vaste forêt qui s'étendait alors sur cette région reculée et fit la fierté des agronomes du Second Empire. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, des parachutages alliés ravitaillaient le maquis de Mazinghien : le plateau était isolé dans la campagne.
Il est probable que, dès le XIIe, les moines de l'Abbaye de Fesmy entamèrent le défrichement et essartage de la vieille forêt.
Cette ferme de l'Arrouaise existe encore de nos jours.
Ce pays de Thiérache et d'Arrouaise, qui avait autrefois séduit l'écrivain Marc Blancpain mériterait bien quelques études historiques. Cependant situé à l'écart des routes et des villes, écartelé depuis toujours par l'histoire, ce pays de frontière et de forêt est un refuge discret pour l'oubli... et le rêve.
Thierry Lengrand